En Algérie, le vent de la liberté d’expression rencontre parfois des murs invisibles, mais bien solides. C’est ce qu’a dénoncé récemment l’écrivain Yasmina Khadra, figure incontournable des lettres algériennes et auteur reconnu internationalement, en s’adressant directement au président Abdelmadjid Tebboune. Pourquoi cette prise de parole ? Pour protester contre la censure d’un roman… signé Boualem Sansal, un autre grand nom de la scène littéraire du pays. Les détails dans cette édition du samedi 07 juin 2025.
Le roman censuré : un nouveau coup dur pour la liberté d’expression
C’est le dernier ouvrage de Boualem Sansal, “Le Tambour de la révolte”, qui a été frappé par la censure. Prévu pour être présenté au Salon international du livre d’Alger (SILA), le roman n’a finalement pas été autorisé. Le ministère de la Culture n’a pas donné de raison officielle, ce qui laisse place aux spéculations.
Pour Yasmina Khadra, cette décision est inacceptable. Dans une lettre publique adressée à Tebboune, il exprime son profond désaccord avec cette politique culturelle qu’il qualifie de “passéiste et contre-productive”. Il estime que censurer la littérature, c’est priver une société de réflexion et d’ouverture d’esprit.
Pourquoi cette affaire fait autant parler
La réponse est simple : ce débat touche à un sujet ultra sensible en Algérie , la tension entre liberté d’expression et contrôle étatique. Historiquement, les artistes, écrivains et intellectuels algériens ont souvent dû naviguer entre création et autocensure.
Chaque fois qu’un roman est interdit, on ne parle pas juste d’un livre en moins sur les étagères. On parle d’un message empêché, d’une voix réduite au silence, d’un débat qui n’aura pas lieu. C’est aussi une sorte de baromètre de la santé démocratique d’un pays. Et actuellement, le mercure semble en baisse.
Quand les écrivains se mobilisent
Yasmina Khadra n’est pas le seul à s’indigner. De nombreux écrivains, éditeurs, lecteurs et journalistes ont exprimé leur inquiétude face à ce qu’ils considèrent comme un retour en arrière. Sur les réseaux sociaux, les messages de soutien à Boualem Sansal fusent, et l’indignation dépasse même les frontières du pays.
Certains internautes comparent la situation au climat culturel oppressant dans d’autres pays où la censure est devenue monnaie courante. D’autres rappellent que dans les périodes sombres de l’histoire, ce sont souvent les livres que l’on commence par interdire.
L’appel de Yasmina Khadra à Tebboune : entre espoir et défi
Dans sa lettre ouverte, Yasmina Khadra ne se contente pas de critiquer. Il lance aussi un appel courageux au président algérien. Il lui demande de montrer “qu’il tient à la liberté de création” et de faire cesser ce qu’il appelle une “chasse à la pensée libre”.
Il évoque la place que la littérature peut avoir dans la construction d’un avenir meilleur pour l’Algérie. Selon lui, il est temps de valoriser les écrivains au lieu de les bâillonner. Et franchement, difficile de ne pas être d’accord avec lui.
La littérature algérienne : fierté ou menace ?
C’est là toute l’ironie de la situation. L’Algérie regorge de talents littéraires, souvent plus reconnus à l’étranger que chez eux. Au lieu de s’en réjouir et de leur offrir une tribune, certains responsables semblent préférer mettre des bâtons dans les roues.
On a parfois l’impression que certains livres font plus peur qu’un discours politique ou une manifestation. Pourtant, n’est-ce pas justement le rôle des écrivains que de faire réfléchir, de déranger, de pousser à se remettre en question ?
Quel avenir pour la liberté de création en Algérie ?
L’affaire Sansal relance donc un débat crucial sur la place de la culture en Algérie. La liberté d’expression n’est pas un luxe, ni un “cadeau” qu’on peut distribuer à sa guise. C’est un pilier fondamental de toute société moderne, et la littérature en est l’un de ses meilleurs vecteurs.
Chacun peut ne pas aimer un livre, en débattre, le critiquer… mais empêcher sa publication ou sa diffusion, c’est une toute autre histoire. Et cela, Yasmina Khadra et tous les amoureux de la culture le savent bien.
L’encre plus forte que la censure ?
Au fond, cette polémique nous rappelle que les mots ont du pouvoir. Un roman peut faire trembler un système, éveiller les consciences ou, au contraire, réveiller de vieilles peurs. Mais au lieu de répondre par la censure, pourquoi ne pas répondre par plus de lectures, de débats, d’échanges ? Comme le disait un grand écrivain, “un livre fermé est une pensée emprisonnée”. Espérons que l’appel de Yasmina Khadra ne reste pas sans écho, et que bientôt, en Algérie, aucun auteur ne doive se battre pour que ses mots aient le droit d’exister.
Mais d’abord… qui sont Yasmina Khadra et Boualem Sansal ?
Yasmina Khadra est le nom de plume de Mohammed Moulessehoul, un ex-officier de l’armée algérienne devenu écrivain. Ses romans comme “Ce que le jour doit à la nuit” ou “L’Attentat” sont traduits dans le monde entier. Il aborde souvent dans ses livres les tensions sociales, religieuses et politiques qui traversent le monde arabe.
De son côté, Boualem Sansal est un ancien haut fonctionnaire, dont les romans n’ont jamais eu peur d’aborder des sujets qui fâchent : islamisme, corruption, colonisation. Son franc-parler lui a valu autant d’admiration que d’hostilité. Son œuvre est saluée à l’échelle internationale, mais souvent contestée dans son propre pays.