Versatile, la vérité du football change au gré de la forme des joueurs et des choix tactiques. Force est de reconnaître aujourd’hui que tout n’a pas bien fonctionné à ce niveau-là, à commencer par la gestion de l’après-CAN 2019 par le coach Belmadi.
L’équipe nationale de football ne sera finalement pas présente, en automne prochain, au plus grand rendez-vous du Gotha sportif mondial, la Coupe du monde 2022 au Qatar. En l’espace de quelques maudites secondes, les Algériens auront subi un terrible ascenseur émotionnel qui les a subitement embarqués dans un véritable cauchemar. Le 29 mars, au milieu d’une nuit à marquer du sceau du grand gâchis, l’Algérie a plongé dans l’abime émotionnel. Un silence assourdissant a envahi tout le du pays. L’échec est total, le fiasco est retentissant.
Affublé du statut de génération dorée, l’une des meilleurs dans les annales du football algérien, la bande à Mahrez avait pourtant bien débuté sous le règne de Djamel Belmadi avec un second titre africain arraché haut la main en Egypte en juillet 2019 avant d’amorcer inexplicablement une chute libre, dont la CAN-2022 et l’épisode malheureux disqualicatif du Mondial, mardi au stade Mustapha-Tchaker, sont des points noirs.
La déception, la désillusion des Algériens n’a d’égales que les grandes ambitions légitimes nées au soir du triomphe en terre égyptienne. D’ailleurs, de l’avis des observateurs, cette génération allait logiquement dominer le football continental pendant un bon bout de temps, d’autant plus que les Verts alignaient, jusqu’à janvier 2022, une série mémorable de 35 matchs sans défaite. Un fait inédit dans l’histoire du sport-roi en Algérie, tout proche du record mondial détenu par l’Italie avec 37 matchs sans défaite. Versatile, la vérité du football change au gré du temps, de la forme des joueurs et des choix tactiques.
Force est de reconnaître aujourd’hui que tout n’a pas bien fonctionné à ce niveau-là à commencer par la gestion de l’après CAN-2019 par le coach Belmadi. Au lieu de créer une dynamique concurrentielle au sein du groupe et insuffler à petites doses un sang nouveau, Belmadi a rarement changé une équipe même si elle ne gagne plus.
Bien avant le coup d’envoi des rencontres, la presse pouvait aisément, à une ou deux erreur près, deviner le onze-type. L’équipe devenait du coup de plus en plus prévisible. Les premiers signes de relâchement ont été constatés contre le Mali en match amical en juin 2021 et lors de la double confrontations contre le Burkina Faso en novembre 2021. Installés dans leur confort, les Mahrez, Slimani, Bounedjah, Mandi, Belamri, Bensebaïni et autres M’Bolhi et Attal sont devenus indiscutables au détriment des Benyatou, Touba, Zorgane, Boudaoui, Zededka et Ghezzal, pour ne citer que ceux là.
Pour remédier à une situation chaotique née de l’élimination dès le premier tour de la CAN-2022, Belmadi abandonne, contre toute attente, ses principes tactiques et déroge même à ses convictions de jeu. Il met de côté son 4-2-3-1 au profit d’un 5-4-1 aux allures de catenaccio à l’Italienne. Cela a fonctionné ,certes, lors du match aller à Douala, quand l’équipe a choisi de défendre puis de contre-attaquer, avec à la clé une victoire salutaire. Mais ce schéma ultra-défensif assumé par Belmadi a viré au désastre tactique au match retour à Blida.
Alors qu’il avait toute la latitude d’ôter à juste titre un défenseur axial au profit d’un élément au milieu de terrain – plus dans l’animation de jeu – Belmadi a préféré renouveler sa confiance en une équipe qui a certes gagné, mais peu joueuse. Pas du tout joueuse. Pis, l’entraîneur national a préféré sacrifier Touba pour titulariser Attal à gauche dans un rôle contre nature et maintenir un Zerrouki, défaillant lors du match aller au stade Japoma, au détriment de Boudaoui. Belmadi aurait pu faire appel aussi en dernière minute à Zorgane comme il l’a fait avec Benrahma (finalement resté comme d’habitude au placard) pour apporter plus de solutions dans l’animation de jeu. Il est resté raide jusqu’aux secondes fatidiques dans ses choix.
Belmadi assume pleinement aujourd’hui la responsabilité de l’échec. Mais pas seul. Il est difficile en effet de trouver des excuses à des joueurs qui brillent sur les pelouses européennes et qui trainent la patte en sélection national. L’exemple de Mahrez est éloquent, le capitaine des Verts affiche une forme éblouissante avec son club, Manchester City, marque des buts en veux-tu en voilà, puis curieusement arbore un profil bas en EN.
Loin d’assumer ses responsabilités de premier catalyseur dans le groupe, Mahrez sort des éliminatoires du Mondial 2022 comme il est sorti de la CAN au Cameroun, c’est-à-dire sur la pointe des pieds, avec surtout ce sentiment du devoir pas du tout accompli. Dommage pour un candidat au top 5 du concours du Ballon d’or…
SAMIR LAMARI