Les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie vont mal. Cela a des traductions surprenantes. Vous avez enquêté et découvert que l’Algérie a brutalement fermé la porte aux produits alimentaires français, surtout depuis le regain de tension autour du Sahara occidental.
Il y a dix ans, la France était le premier fournisseur de denrées alimentaire de l’Algérie, un pays très dépendant pour se nourrir. Il y a peu moins de trois ans, en 2022, la France était encore le deuxième pourvoyeur d’alimentation. On expédiait pour 1,3 milliard d’euros de produits agroalimentaires, notamment des céréales, des bovins vivants, des produits laitiers, du sucre, de la biscuiterie et des conserves. En 2023, les exportations ont été divisées par deux. Et en 2024 : chute libre. L’Algérie a délibérément sorti la France des principaux marchés après les déclarations d’Emmanuel Macron sur le Sahara occidental.
C’est particulièrement vrai pour les céréales.
En 2018, la France fournissait à l’Algérie 5,4 millions de tonnes de grains, soit 80 à 90% de ses besoins. En 2024, cela aura été sans doute – on n’a pas encore la totalité des chiffres – 400 000 tonnes. Des volumes divisés par treize. Et en 2025, les professionnels s’attendent à ce que ce soit zéro. Rien.
L’Algérie se fournit ailleurs ?
Oui : c’est maintenant la Russie qui lui fournit 90% de ses besoins en blé. L’Algérie s’est précipitée dans les bras de Vladimir Poutine. Comment ça ? Les céréaliers français n’en sont pas revenus, ils ont assisté à une chose qui n’arrive jamais. En Algérie, c’est l’État qui achète le blé, c’est un monopole. L’État a abaissé le cahier des charges, il a accepté d’acheter des blés de moindre qualité, avec la présence de punaises, pour pouvoir acheter autre chose que la meilleure qualité : le blé français. Les vendeurs de céréales français ont été brutalement écartés. On ne leur répond plus au téléphone. Ils ont cessé brutalement de recevoir des appels et des commandes.
Ils ne sont pas les seuls à avoir vécu ça.
Même chose pour les vendeurs de bétail. L’Algérie, c’était un important marché pour les bovins vivants, destinés à produire viande et lait. En 2022, la filière française en avait vendu pour 167 millions d’euros d’animaux. En 2024, rien ou presque.
Même chose pour les produits laitiers.
C’est un des segments qui avait bien résisté à la lente dégradation des échanges commerciaux. Là aussi, c’est en train de s’arrêter. Les exportations de lait en poudre et de fromages ont baissé d’un quart entre janvier et novembre par rapport à la même période de 2023. Un des principaux fournisseurs de l’Algérie, c’est maintenant la Nouvelle-Zélande.
Tout cela ne tient pas du hasard ?
Non : c’est délibéré, ce sont des rétorsions au conflit géopolitique. Les acteurs agricoles et agroalimentaires auxquels j’ai parlé me racontent tous la même chose. Les tracasseries administratives sans fin qui se sont multipliées, les logiciels officiels des douanes qui tombent en panne, les ordres qui viennent d’en haut de ne plus travailler avec la France. La diplomatie par l’assiette est, elle aussi, cassée.