L’Algérie est confrontée à une crise de l’eau en raison du changement climatique. Mustapha Kamel Mihoubi, enseignant-chercheur à l’Ecole nationale supérieure de l’hydraulique de Blida, discute des mesures à prendre pour garantir une meilleure disponibilité de l’eau pour la population, l’agriculture et l’industrie.
Climat et ressources hydriques en Algérie
Bien que l’Algérie ne puisse pas être entièrement qualifiée de pays aride, les niveaux de précipitations, variant de quelques dizaines à quelques centaines de millimètres, créent des défis. La région Tellienne, couvrant 4% du territoire national, reçoit environ 400 à 500 mm de pluie par an. Avec 9% du pays en situation de climat semi-aride, le déficit pluviométrique, accentué par le changement climatique, impacte sévèrement les ressources en eau.
Capacités et besoins en eau en Algérie
Face aux épisodes de stress hydrique, les autorités ont adopté des initiatives telles que l’aménagement de cinq stations de dessalement capables de produire 1,5 million de m³ d’eau par jour. Actuellement, l’eau potable est fournie à 40% par les eaux souterraines, à 35% par le dessalement, et à 25% par des sources superficielles. Les besoins totaux en eau atteignent 10,8 milliards de m³ annuellement, avec 32% pour la consommation domestique, 65% pour l’agriculture, et 3% pour l’industrie.
Pour répondre à ces besoins, les prélèvements d’eau proviennent principalement du dessalement (1,4 milliard de m³/an), des eaux fossiles (entre 3,5 et 4 milliards m³/an), et des eaux souterraines renouvelables. D’ici 2030, la capacité de dessalement devrait croître pour atteindre 1,9 milliard de m³ annuellement et couvrir plus de 50% des besoins domestiques.
La sécurité hydrique nécessite une dépendance accrue au dessalement, un investissement dans la réduction des pertes du réseau à 20% d’ici 2030 et à 15% d’ici 2040. Cela implique un investissement de 2 à 4 milliards USD avec un retour sur investissement prévu en 4 à 5 ans.
Gestion des eaux usées et agriculture au Sud de l’Algérie
Bien que le taux de raccordement aux systèmes d’épuration soit élevé, la réutilisation des eaux usées reste sous-exploitée. À la suite de directives gouvernementales, l’objectif est d’atteindre un taux de récupération de 60% des eaux usées pour l’irrigation d’ici 2030. L’objectif à long terme propose un traitement de 2 milliards de m³/an d’ici 2035, à travers l’extension et la réhabilitation des infrastructures existantes.
Il est jugé déraisonnable d’utiliser des eaux fossiles pour des cultures agricoles non essentielles dans le Sud. Ces ressources devraient être réservées aux cultures stratégiques et aux industries nécessitant de l’eau, tout en promouvant une gestion rationnelle et le recyclage de l’eau pour protéger les réserves pour les générations futures.
Pour une gestion efficace de l’eau, les autorités sont invitées à établir des méthodologies pour évaluer l’empreinte hydrique et promouvoir une tarification progressive de l’eau permettant de promouvoir une consommation responsable sans nuire aux ménages à faible revenu.