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Histoire : Découvrez comment s’appelait l’Algérie avant 1830

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Razika Adnani, philosophe, islamologue et auteur de nombreux ouvrages, répond à Emmanuel Macron qui a déclaré récemment que la nation algérienne n’existait pas avant la colonisation française de 1830.

L’affaire des sous-marins ourdie par les USA et l’Australie dans le dos de la France a fait prendre conscience aux Français à quel point la France, pourtant un grand pays, était fragile et faible dans un monde semblant se lancer dans une nouvelle guerre froide qui opposera les USA à la Chine. Des intellectuels et des politiques ont rappelé la nécessité de renforcer l’Union Européenne pour que les pays européens puissent faire face ensemble à d’autres coalitions qui se forment et agissent malheureusement selon la logique de l’intérêt et de la force.

Cette affaire vient au moment où les relations entre l’Algérie et le Maroc se détériorent. Elle doit être un exemple pour que les pays du Maghreb réalisent qu’il n’est pas dans leur intérêt de se fragiliser davantage avec des disputes intermaghrébines. Les destins de ces trois pays sont liés et l’Union Maghrébine s’avère aujourd’hui plus que jamais indispensable pour constituer une force.

« Ce ne sont pas les frontières géographiques qui font un pays ou une nation, c’est plutôt et avant tout son peuple, sa culture, sa langue et son histoire. »

Depuis plusieurs années, l’idée d’une Union maghrébine fait rêver les peuples de ces trois pays sans pour autant qu’elle ait pu se concrétiser malgré les nombreux facteurs qui les lient : la langue, la culture, l’histoire, la religion, la zone géographique et le destin commun. Aujourd’hui, la sécurité et la prospérité de ces populations, qui ne peuvent être possibles que par la garantie de la stabilité de leurs pays, doivent être un facteur suffisant pour créer la volonté de réaliser cette union en dépit de tous les obstacles.

Certes, le Maroc peut faire appel à Israël pour se protéger et l’Algérie à la Russie pour la soutenir. Cependant cela n’est ni dans l’intérêt du Maroc, ni dans celui de l’Algérie, ni dans celui de la Tunisie. L’histoire de la politique et de la géopolitique du monde montre qu’un pays étranger n’intervient pour aider un autre pays qu’avec des motivations d’intérêt personnel et un appétit de domination. En 1516, les populations algéroises ont fait appel aux frères corsaires turcs Arudj et Khayr al-Dine Barbarousse pour les aider contre les attaques des Espagnols et c’est ainsi que les Turcs occupèrent le Maghreb central (l’Algérie) pendant trois siècles. Khayr al-Dine Barbarousse a tué l’émir d’Alger Salim Toumi et sa femme la princesse Zaphira se donna la mort pour ne pas épouser l’assassin de son mari Khayr al-Dine. Il faut cependant noter que l’effritement du territoire du Maghreb central en plusieurs principautés a contribué à rendre le dessein de Khayr al-Dine possible.

Cette histoire est importante pour rappeler aux populations des trois pays la nécessité de rester unis afin de mieux préserver leur souveraineté politique et économique, mais aussi pour rappeler que l’Algérie existait avant 1830 et avant 1516. Elle existait avant même le VIIe siècle. Certes, elle ne connaissait pas les frontières géographiques actuelles qu’elle a héritées de la France mais ce ne sont pas les frontières géographiques qui font un pays ou une nation, c’est plutôt et avant tout son peuple, sa culture, sa langue et son histoire et ceux-là ont toujours existé en Algérie.

Contrairement à ce que prétendent certains, l’Algérie n’a pas été colonisée par les Arabes. Dans l’Antiquité, ce peuple amazigh ou berbère a également bâti sur ces terres du Maghreb central des royaumes et des nations comme celui de Massinissa (238-148 av. J.-C.) en Numidie dont la capitale était Cirta, Constantine actuelle, qu’il légua à son fils Micipsa qui désigna à son tour comme héritier un neveu, Jugurtha. Massinissa était le fils de Gaïa, roi des Massyles, mort en 206 av. J.-C. Gilbert Meynier rapporte dans son ouvrage, L’Algérie des origines, que le grand historien français Stéphane Gsell a pu écrire, en parlant de Massinissa et de ses successeurs, que, « au second siècle, et même jusqu’au milieu du premier, la Numidie fait plus de progrès sous ce roi que la province sous le gouvernement de la république romaine ».

Selon l’historien Ibn Khaldûn, le terme al-Djazayr désignant aussi bien la capitale algérienne que le pays (l’Algérie) a été utilisé par Bologhine ibn Ziri qui a fondé la ville d’Alger sur l’emplacement de l’ancienne Icosium romaine en 960. C’est le terme al-Djazayr qui a donné ensuite Alger et Algérie. À noter qu’Argel pour désigner la ville d’Alger a été utilisé par Cervantes (1547-1616) dans ses textes.

Après l’islamisation de l’Afrique du Nord, les Berbères ont fondé des dynasties dont les plus importantes sont celles des Hafssides ou Iḥafsiyen en berbère (1207-1574), des Zianides ou At Zyan en berbère (1236-1556). Bien qu’islamisés, les Berbères ont refusé de céder le pouvoir politique aux Arabes même si nombre de ces dynasties ont prétendu être arabes et même avoir des liens de sang avec le prophète pour avoir la légitimité politique. Cela est dû au fait que dans la théorie politique des sunnites et celle des chiites, le pouvoir revenait toujours aux Arabes. Et contrairement à ce que prétendent certains, l’Algérie n’a pas été colonisée par les Arabes. Les Algériens comme tous les Maghrébins sont dans leur grande majorité des Berbères arabisés même si des Romains, des Vandales, des Arabes, des Turcs et d’autres se sont également mêlés à ces populations berbères. La berbérité ne se limite pas à la Kabylie.

« En voulant se libérer de la tutelle française, les Algériens ont donné la preuve qu’en Algérie il y avait une nation qui avait ses propres fondements et ses propres critères. »

Concernant la fameuse phrase « l’Algérie n’existait pas avant 1830 », il est important de se demander si l’Algérie est le seul pays à ne pas avoir eu dans son passé les mêmes frontières et la même structure de l’État qu’aujourd’hui. L’histoire de l’Allemagne montre qu’elle était formée de plusieurs principautés jusqu’à 1871, date à laquelle elle a été unifiée par Bismarck et c’est le même cas pour l’Italie qui a été unifiée en 1861 et a annexé Rome en 1870. Faut-il dire que l’Allemagne et l’Italie n’existaient pas avant 1871 et 1870 ? Oui, on peut le dire à condition de préciser qu’il s’agit de l’Allemagne et de l’Italie en tant qu’États et frontières qu’on leur connaît aujourd’hui.

Concernant l’Algérie, une précision s’impose. Si la France a créé les frontières algériennes en 1830, l’État algérien a été créé par l’Algérie indépendante en 1962. La France a créé les départements français d’Algérie et non l’État algérien. Cette phrase « L’Algérie n’existait pas avant 1830 » fait-elle allusion à la nation algérienne ? Si c’est oui, la France n’a pas non plus créé la nation algérienne. Si la France avait créé l’Algérie en tant que nation, elle aurait créé une nation française qui n’aurait jamais pris les armes contre elle-même. Une nation n’est pas quelque chose qui résulte d’une décision politique, c’est « une grande solidarité, constituée par le sentiment » (Ernest Renan) d’avoir des liens communs qui crée le désir de construire quelque chose ensemble. En voulant se libérer de la tutelle française, les Algériens ont donné la preuve qu’en Algérie il y avait une nation qui avait ses propres fondements et ses propres critères. Cela n’empêche pas qu’entre l’Algérie et la France il y ait des liens humains, historiques, linguistiques et culturels qui font partie de l’histoire des deux pays et qui doivent renforcer les rapports d’amitiés entre les deux pays et les deux peuples.

Pour finir, il est important de rappeler que personne ne peut nier à un peuple son histoire s’il la valorise, avec ses moments de peine et de gloire et la reconnaît. L’Algérie a été la première à vouloir effacer de la mémoire des Algériens l’histoire ancienne de leur pays et à vouloir leur faire oublier leur culture dont la langue est un élément primordial. Une habitude ancestrale qu’on retrouve également chez ses deux voisins. Autant cette phrase « l’Algérie n’existait pas avant 1830 » est violente, autant elle doit constituer une autre occasion pour faire prendre conscience tout comme ses deux voisins, combien il est nécessaire aujourd’hui de se réconcilier avec leur histoire, pour cimenter les liens entre les Algériens et renforcer leur sentiment d’appartenir à un pays qui a une histoire dont ils peuvent être fiers.

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