Une famille expulsée d’Algérie a fait le témoignage de son « périple ». Un père de famille malien de 25 ans, Burlaye était bien installé en Algérie, où il travaillait comme boulanger. Sa vie a culbuté fin octobre 2022 quand des policiers ont fait irruption dans son salon. Toute sa famille a été arrêtée puis expulsée vers le Niger, sans aucun recours possible. Lisez le témoignage de cette famille à travers cette édition du vendredi 18 novembre 2022.
En effet, InfoMigrants a rencontré Burlaye, sa femme Kratoum, et leurs enfants Maryam, 3 ans, et Aminata, 1 an, à l’extérieur du camp de transit de l’OIM à Assamaka. Ils étaient assis dans une petite cour attenante au bâtiment accueillant des équipes d’humanitaires. Témoignage !
« J’habitais depuis 2014 en Algérie dans les environs de Ghardaïa. Les choses se passaient plutôt bien et j’avais fait ma vie là-bas. Je travaillais dans une boulangerie, je gagnais un peu d’argent et ma famille a pu me rejoindre. Ma dernière fille, Aminata, est même née en Algérie. Le mois dernier, des policiers algériens ont fait soudainement irruption dans la maison que nous partagions avec trois autres familles maliennes. On a été pris complètement par surprise. Ils n’ont pas sonné, ils ont carrément cassé la porte d’entrée. Je n’ai pas résisté et les policiers m’ont arrêté sans me frapper. Ils ont menotté tous les hommes et nous ont fait sortir de la maison. C’est alors que j’ai vu qu’il y avait des policiers déployés tout autour du jardin, certains avaient même un pistolet à la main. »
« Il y avait des policiers du coin, certains venaient acheter leur pain dans la boulangerie où je travaillais. Après nous avoir arrêtés, ils nous ont tout pris* – l’argent, les téléphones, et mêmes les bijoux qu’on n’avait pas cachés. Mon passeport était périmé, mais ils n’ont même pas pris la peine de vérifier. Ils n’en avaient rien à faire quand on leur disait que certains des enfants étaient nés ici en Algérie. On a appris plus tard que notre maison avait été pillée… Mais on ne sait pas par qui. »
Après leur arrestation, les migrants sont envoyés au centre de refoulement de Tamanrasset, à 1900 kilomètres de route au sud d’Alger. Ils sont ensuite transportés vers le Point-Zéro, le lieu désertique qui marque la frontière entre l’Algérie et le Niger. Le premier village nigérien, Assamaka, est à 15 kms de distance. Suite du témoignage !
« On nous a entassés dans plusieurs camions, qui sont partis en convoi de Tamanrasset vers 17 heures. Ils nous ont abandonné en plein désert, au milieu de la nuit. Il était environ 3 heures du matin quand on s’est mis en marche vers les lumières qui scintillaient. Je portais ma fille Maryam, ma femme portait Aminata, et un frère portait mes bagages. Nous sommes parvenus à Assamaka vers 8 heures du matin. On nous a dit qu’il n’y avait plus de place à l’intérieur du camp de l’OIM, même pour les femmes et les enfants. À l’arrivée, on nous a juste donné une seule couverture pour ma femme… Depuis, un médecin est venu nous voir; on nous a donnés quelques couches. Mais on dort toujours à l’extérieur et des femmes dans notre groupe ont déjà attrapé froid ». Un membre de la Ligue algérienne de Défense des droits de l’Homme, qui a requis l’anonymat, a confirmé à InfoMigrants que son organisation avait connaissance d’exactions policières lors des refoulements. « C’est un sujet qui est actuellement passé sous silence en Algérie car la capacité d’action des groupes pour les droits humains a été très réduite par la répression actuelle », a-t-il ajouté.
Il est à noter que Burlaye et sa famille sont désormais dans l’attente d’un rapatriement vers le Mali. Un voyage retour qui risque de prendre un peu de temps, les centres de transit sur l’axe Assamaka – Arlit – Agadez étant actuellement débordés.