Observalgerie – Des milliers d’Algériens, dont des hauts responsables civiles et militaires, auraient été espionnés par le Maroc entre 2017 et 2019 avec le spyware israélien Pegasus. Selon des sources médiatiques qui ont enquêté sur Pegasus, plus de 6000 numéros de téléphones appartenant à des Algériens ont été sélectionnés par le Maroc durant cette période dans le but de les espionner.
Les téléphones portables de hauts responsables civils et militaires algériens, ainsi que plusieurs autres milliers de téléphones appartenant à des hommes politiques, des journalistes et des activistes, ont été visés – infectés ou non – par les services de renseignements marocains grâce au logiciel espion israélien Pegasus entre 2017 et 2019, selon des informations publiées ce mardi 20 juillet par le quotidien français Le Monde.
Plus de 6000 numéros de téléphone appartenant à des Algériens ciblés par le Maroc
En Algérie, plus de 6000 numéros de téléphone appartenant à des responsables politiques, des militaires, des chefs des services de renseignement, des hauts fonctionnaires, des diplomates étrangers en poste ou des militants politiques ont été sélectionnés comme cibles potentielles du logiciel espion Pegasus par le client marocain de l’entreprise israélienne NSO, indique le quotidien Le Monde.
Selon les données partagées par l’organisation Forbidden Stories et Amnesty International au Monde, le Maroc est un gros utilisateur du logiciel Pegasus et ces 6 000 numéros de téléphone appartenant à des Algériens constituent une cohorte importante, au regard des 50 000 coordonnées téléphoniques sélectionnées dans le monde, entre 2017 et 2019.
Tous les hauts responsables algériens durant la première année du hirak ont été ciblés par le Maroc
Durant le hirak qui a éclaté en Algérie le 22 février 2019 pour chasser le président Abdelaziz Bouteflika du pouvoir après 20 ans de règne, un « opérateur des services de sécurité du Maroc s’intéresse aussi de près au climat politique qui règne en Algérie », explique Le Monde. Selon la même source, tous les hauts responsables algériens durant la première année du hirak ont été ciblés par le Maroc.
La famille de Abdelaziz Bouteflika est les hauts responsables de l’ANP en première ligne des Marocains
Outre l’entourage familial de l’ancien président, les frères et sœur Saïd, Nacer et Zhor Bouteflika, l’opérateur marocain a visé le sommet de l’appareil de l’Etat, avec les numéros des chefs des services de renseignement de l’époque, comme les généraux Ali Bendaoud, Wassini Bouazza et Bachir Tartag, ou encore les commandants des forces terrestres et aériennes. Un numéro attribué à Saïd Chengriha, l’actuel chef d’état-major de l’ANP, a également été visé, selon Le Monde.
Ali Haddad et de nombreux autres “oligarques” n’ont pas été oublié par le Maroc
Selon la même source, l’un des fils du défunt général-major Ahmed Gaïd Salah, en l’occurrence Mourad, a lui aussi suscité l’attention de l’opérateur de Pegasus. Au même titre que Lotfi Nezzar, fils de l’ancien chef de l’armée, au début des années 1990, et ancien homme fort du pays Khaled Nezzar. Maillons essentiels de l’écosystème Bouteflika, ceux que l’on appelait les « oligarques », des chefs d’entreprises privées, ayant fait fortune grâce aux commandes publiques, n’ont pas été oubliés. A commencer par Ali Haddad, l’ancien chef du patronat (FCE) révèle la même source.
Ramtane Lamamra, Abdelkader Messahel, Nourredine Bedoui….
La liste des responsables algériens espionnés par le Maroc est encore longue. On y trouve Ramtane Lamamra, Abdelkader Messahel, Nourredine Bedoui ainsi que Noureddine Ayadi, qui a occupé successivement les postes de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères puis de directeur de cabinet de la Présidence de la République, et qui est lui aussi placé dans la liste des cibles potentielles, selon le Monde.
Abdelaziz Rahabi et Zoubida Assoul sur la liste des services de renseignements marocains
Le Maroc ne s’est pas contenté d’espionner de hauts responsables algériens. Il s’est intéressé à des journalistes et à des personnalités politiques comme l’ancien ministre et diplomate Abdelaziz Rahabi, et Zoubida Assoul, avocate, défenseuse des détenus d’opinion et présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP).
Deux pays, dont Israël, le pourvoyeur de ce logiciel qu’on nous présente comme une référence en termes de démocratie, commettent là des atteintes graves contre les libertés individuelles et collectives, dénonce Zoubida Assoul dans les colonnes du Monde. « C’est inacceptable. Au nom de quel droit un pays étranger se permet-il de venir m’écouter, espionner mon travail ? La communauté internationale doit réagir. Contre l’agresseur, mais aussi contre celui qui conçoit ce matériel pour que d’autres espionnent des sociétés civiles et des opposants. » ajoute- t-elle.