Les obligations de quitter le territoire français (OQTF) suscitent de vifs débats autour de la politique migratoire. Avec un taux d’exécution très bas, estimé à environ 7 %, ces dispositifs sont largement critiqués, notamment en ce qui concerne leur efficacité.
L’un des principaux obstacles évoqués pour expliquer cet échec est le refus des pays d’origine de reprendre leurs citoyens. François Bayrou a récemment pointé du doigt ces États, citant implicitement des pays comme l’Algérie, souvent accusée de ralentir les expulsions en ne délivrant pas les laissez-passer consulaires requis. Cette critique s’inscrit dans un contexte plus large de tensions diplomatiques entre la France et certains de ses partenaires traditionnels. L’Algérie, en particulier, se trouve au cœur de ces frictions.
En 2021, face à un faible taux de délivrance des laissez-passer consulaires, le gouvernement français avait décidé de réduire de moitié le nombre de visas accordés aux Algériens, déclenchant une crise entre les deux nations.
Pourquoi les OQTF ne sont pas exécutées ?
L’évaluation du taux d’exécution des OQTF souffre de limitations méthodologiques significatives. Ce taux ne prend en compte que les expulsions forcées officiellement enregistrées, excluant ainsi les départs volontaires ou assistés, ce qui fausse l’appréciation globale des mesures effectivement mises en œuvre.
D’après les données du ministère de l’Intérieur, en incluant toutes les formes de départ, le taux d’exécution réel pourrait avoisiner 20 %. Par ailleurs, toutes les OQTF prononcées ne sont pas applicables : certaines sont annulées à la suite de recours administratifs ou judiciaires, tandis que d’autres ne peuvent être notifiées faute de pouvoir localiser la personne concernée.
Ce problème est accentué par le manque de ressources des préfectures, souvent submergées par le volume croissant des dossiers à traiter.
La responsabilité limitée des pays d’origine
François Bayrou a souligné que le principal obstacle à l’exécution des OQTF réside dans le refus des pays d’origine de délivrer des laissez-passer consulaires. Cependant, cette justification ne représente qu’une part relativement faible des causes identifiées.
En 2024, selon un rapport parlementaire, 57,5 % des laissez-passer consulaires étaient effectivement délivrés. Bien que des refus existent, ils ne concernent qu’une minorité de cas. D’autres obstacles liés aux pays d’origine compliquent également l’exécution des OQTF. Par exemple, déterminer l’identité exacte des personnes en situation irrégulière peut s’avérer difficile, notamment en l’absence de documents officiels.
Par ailleurs, certaines destinations ne disposent pas de liaisons aériennes régulières, ce qui rend l’organisation des retours logiquement plus complexe.
Les principaux freins internes
Les causes internes jouent un rôle de premier plan dans cette problématique. L’une des raisons principales réside dans le manque de places disponibles dans les centres de rétention administrative, rendant impossible la rétention de nombreuses personnes en attente d’éloignement.
En 2023, une part significative des échecs était liée aux libérations ordonnées par l’autorité judiciaire. Par ailleurs, les refus d’embarquer des personnes concernées constituent une autre difficulté majeure, nécessitant des interventions policières coûteuses, souvent inadaptées aux ressources disponibles. De plus, l’absence de coordination entre les services administratifs, judiciaires et policiers entrave une gestion efficace des OQTF. Ce dysfonctionnement global crée un cercle vicieux, renforçant la perception d’inefficacité des mesures prononcées.
La non-application des OQTF ne peut toutefois être attribuée à une seule cause. Bien que le refus de coopération des pays d’origine constitue un frein, il n’est ni le principal ni le plus décisif. Les lacunes structurelles de l’administration, les recours juridiques et les moyens matériels insuffisants ont un impact plus lourd. Une réponse générale, concertée et tenant compte de la complexité du problème est indispensable, au lieu de recourir à des simplifications qui occultent sa véritable nature.