Plus énigmatique, le chef du gouvernement israélien a cité parmi les motifs de l’inquiétude de son pays et de son allié, le « rapprochement » de l’Algérie avec l’Iran.
Dans les faits, rien ne permet de conclure à un « rapprochement ». Les relations de l’Algérie avec l’Iran sont ce qu’elles étaient il y a plusieurs années, à moins que ce soit la présence banale du Premier ministre algérien à la cérémonie d’investiture du nouveau président iranien qui est interprétée comme un signe de rapprochement.
Aussi, si l’Iran peut constituer une menace pour Israël, du fait de la proximité géographique, ce n’est pas le cas de l’Algérie. De même que l’Iran, pour les mêmes raisons, ne peut menacer ni le Maroc ni ses intérêts.
Israël et le Maroc ont désigné l’Algérie comme le principal obstacle à leurs projets en Afrique. Sans surprise, la réponse d’Alger n’a pas tardé. « Cette sortie intempestive, dont le véritable instigateur n’est autre que Nasser Bourita en sa qualité de ministre des Affaires étrangères du royaume du Maroc, traduit une sourde volonté d’entraîner son nouvel allié moyen oriental dans une aventure hasardeuse dirigée contre l’Algérie, ses valeurs et ses positions de principe », a mis en garde le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié hier dimanche.
L’Algérie a estimé que l‘« aventurisme dangereux qui parie sur le pire constitue un démenti formel à la prétendue « main tendue » que la propagande marocaine continue de répandre abusivement et vainement. »
L’Algérie a l’habitude de s’en prendre à Israël, notamment sur la question du conflit en Palestine, mais Tel-Aviv n’a jamais répondu. Mais, dès qu’elle a entamé une action diplomatique contre les intérêts israéliens en Afrique, Israël a fini par exprimer son « inquiétude ». Pourquoi ?
Selon des sources diplomatiques à Alger, le véritable enjeu pour l’alliance israélo-marocaine c’est l’influence en Afrique. C’est là que les intérêts et les intentions des deux pays peuvent buter sur l’Algérie et sa diplomatie, qui cherchent à se redéployer dans un continent fortement convoité par les grandes puissances.
Comme l’a dit Yaïr Lapid, l’Algérie a en effet initié et assumé une campagne contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’Union africaine.
Le 3 août, les ambassadeurs de sept pays membres de l’instance panafricaine à Addis-Abeba, dont l’Algérie, ont signé une note désapprouvant la décision du président de la Commission africaine, Moussa Fati, d’admettre Israël comme membre observateur. M. Fati a accédé à la demande des pays contestataires d’inscrire la question à la prochaine session du Conseil exécutif.
Les deux tiers des Etats membres de l’Union africaine reconnaissent Israël et il est difficile de prédire à ce stade l’annulation de la décision. Mais il n’en reste pas moins que le retour en force de la diplomatie algérienne sur la scène africaine est perçu comme une menace pour les plans israéliens -mais aussi marocains- sur le continent.
L’influence en Afrique en toile de fond
L’illustration du rôle que l’Algérie espère de nouveau jouer c’est sa récente initiative pour désamorcer le litige autour du barrage de la Renaissance entre l’Ethiopie, l’Egypte et le Soudan.
Le ministre des Affaires étrangères algérien, Ramtane Lamamra, s’est rendu fin juillet dans les trois capitales et l’initiative de l’Algérie a été favorablement accueillie. L’Ethiopie fait partie des pays qu’Israël considère comme d’anciennes zones d’influence à reconquérir, au même titre que l’Érythrée, le Cameroun, le Ghana, la Côte d’Ivoire, l’Ouganda et le Rwanda, explique dans un article publié sur le site de RFI, Benjamin Auge, spécialiste de l’Afrique subsaharienne à l’Ifri (France).
Israël a fait son retour progressivement en Afrique dans les années 1980 et 1990 après la rupture qui a suivi la guerre du Kippour en 1973. Depuis une décennie, d’abord sous l’impulsion de l’ex-premier ministre Benjamin Netanyahu, il vise de nouvelles zones d’influence au Sahel et en Afrique centrale.
La dernière décennie a été marquée par un offensive tous azimuts d’Israël en Afrique, par le biais de la diplomatie économique et les investissements. Aujourd’hui, il entretient des relations diplomatiques avec 40 pays africains et dispose d’ambassades dans douze pays, en attendant l’ouverture « dans quelques mois » de celle de Rabat comme annoncé lors de la visite de Yaïr Lapid au Maroc.
Le Maroc a aussi mis à profit l’absence de l’Algérie pour se déployer sur le continent par le même biais, c’est-à-dire par la diplomatie économique, multipliant les investissements, les échanges commerciaux, les liaisons aériennes. Le Royaume, qui ne dispose de ressources financières pour mener sa politique africaine, est soutenu dans cette entreprise par ses alliés du Golfe et Israël, avec qui il entretient des relations depuis des décennies.
Il a même pu retourner la position de certains pays vis-à-vis de la question du Sahara occidentale, échouant toutefois à faire exclure la République sahraouie de l’Union africaine où elle siège comme membre à part entière.
La très forte croissance que prédisent les économistes à l’Afrique a fait du continent une zone que convoitent les puissances mondiales et régionales. Le retour de l’Algérie sur la scène diplomatique continentale et surtout son ambition de devenir une porte de l’Afrique pour l’Europe par le biais du méga port d’El Hamdania, dans lequel est impliquée la Chine, et la route transsaharienne, ont de quoi inquiéter.
Toutefois, pour peser réellement en Afrique, la diplomatie de la parole ne suffira pas. Alger doit passer aux actes, en incitant et en aidant ses entreprises à conquérir les marchés africains, à rétablir les ponts de la coopération dans le domaine de la formation.
L’Algérie peut s’appuyer sur sa bonne réputation en Afrique où elle a aidé de nombreux pays à se défaire du colonialisme et de l’Apartheid, et sur ses alliés qui chercher aussi à étendre leur influence sur le continent africain.
TSA