Les enseignants algériens sont en colère. Depuis plusieurs jours, des grèves cycliques sont enclenchées dans plusieurs wilayas à travers le pays. Et le drame du viol collectif des enseignantes de Bordj Badji Mokhtar à l’extrême sud du pays n’a pas manqué d’aggraver cette colère d’un corps miné profondément par les problèmes de la précarité et de la détresse sociale.
Le 18 mai dernier sera une date sinistre et lugubre dans la mémoire collective de tous les enseignants algériens. 10 enseignantes ont été victimes d’un viol collectif, survenu dans la nuit du lundi à mardi 18 mai 2021, dans le logement de fonction d’une école, à Bordj Badji Mokhtar, une localité située à l’extrême sud algérien à 777 km au sud-est d’Adrar, par la route, et à 2 203 km au sud d’Alger. Cette agression sauvage a eu lieu au logement de fonction sis à la Nouvelle Ecole, numéro 10, à 2h du matin, par » quatre individus, qui leur ont fait subir un viol collectif pendant deux heures, en présence d’un nourrisson.
Un drame qui a secoué toute l’Algérie en provoquant une vague d’indignation générale à travers toute l’Algérie. Dés le lendemain de ce viol collectif, les enseignants de la wilaya d’Adrar enchaînent les rassemblements et les grèves pour dénoncer leurs conditions de travail et l’insécurité permanente à laquelle ils sont confrontés dans plusieurs localités éloignées du territoire national notamment à l’extrême sud du pays.
Le jeudi 20 mai dernier, les autorités judiciaires ont essayé de calmer la colère des enseignants en faisant des annonces concernant l’avancement des investigations pour l’arrestation des coupables de ce viol collectif. Le premier procureur général adjoint de la Cour d’Adrar, Mahmoud Bouleksibat, a révélé jeudi dernier que l’enquête ouverte par le parquet a abouti à « un cas de viol commis sur une enseignante », « coups et lésions corporelles graves sur quatre enseignantes », « menaces à l’arme blanche » et « vole d’effets personnels ». Le même procureur a annoncé « l’arrestation de 9 suspects », dont « quatre ont avoué leur crime ». Mais ces annonces n’ont pas suffi pour rassurer les enseignants algériens et les victimes du viol collectif de Bordj Badji Mokhtar, qui se trouvent dans une grande détresse psychologique après avoir subi des blessures très graves, sont devenues l’étendard de la révolte des enseignants algériens qui réclament des changements urgents dans leur secteur.
Après la grève pour trois jours à l’appel des 14 principaux syndicats autonomes du secteur, une grève enclenchée depuis le 9 mai, les enseignants de l’école élémentaire, moyenne et secondaire, personnel de l’administration centrale et technique poursuivent leur mobilisation. Pour Meziane Meriane, président du Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique, les enseignants ont des revendications salariales sur leurs retraites mais surtout, ils demandent des solutions à leurs problèmes. Ce leader syndicaliste parle d’un secteur de l’éducation désespéré.
Les enseignants algériens n’en pouvaient plus, explique-t-il. L’inflation, des salaires qui n’ont pas augmenté depuis près de 10 ans ou encore un enseignant du primaire qui, en début de carrière, touche aujourd’hui un salaire mensuel de quelque 125 euros… Tout cela ne leur permet plus de nouer les deux bouts à la fin du mois. Vous savez, il y a un ras-le-bol. C’est un ras-le-bol. Les salaires n’ont pas été révisés depuis 2012 et donc, on a perdu énormément de pouvoir d’achat, depuis 2012 à ce jour. Nous pouvons dire que nous avons perdu plus de 50% du pouvoir d’achat. Les salaires ne permettent pas aux familles de faire face aux besoins pendant 15 jours, voire moins », alerte Meziane Meriane. Après les trois jours de grève les 9, 10 et 11 mai, un collectif de quatorze syndicats de l’Éducation a annoncé, mardi 18 mai, le boycott des activités administratives et la rétention des notes du 2e trimestre ainsi que la tenue d’un rassemblement mercredi 26 mai devant l’annexe du ministère de l’Éducation à Ruisseau (Alger).
À la fin du sit-in, les syndicats se prononceront sur la possibilité d’un boycott des examens du 3e trimestre. Ce nouveau round de protestation a pour motif principal le pouvoir d’achat et la préservation de la dignité des enseignants algériens qui se sentent plus que jamais méprisés et humiliés par la société à la suite de ce drame du viol collectif de Bordj Badji Mokhtar.