En Algérie, l’économie informelle constitue un enjeu majeur. Selon le dernier rapport de la Banque d’Algérie datant de novembre 2024, elle est estimée à 8273 milliards de dinars, soit environ 33,99 % de la masse monétaire en circulation, ce qui équivaut à 61,73 milliards de dollars au taux de change officiel de 134 dinars pour un dollar.
Ce secteur, en constante croissance, opère largement en marge des systèmes bancaires et fiscaux, ce qui limite l’efficacité des politiques économiques du pays. Face à cette situation, le gouvernement met en œuvre une stratégie ambitieuse visant à rapatrier ces fonds dans l’économie formelle. La Banque d’Algérie indique que sur un total de 24’330 milliards de dinars en circulation, une proportion conséquente est absorbée par l’économie informelle.
Par ailleurs, moins de 20 % des transactions financières sont réalisées par voie numérique, révélant un retard dans la digitalisation des paiements, qui freine les efforts d’intégration économique. Ce phénomène a des répercussions négatives significatives. D’un côté, il engendre une perte importante de recettes fiscales, notamment avec un tiers de la TVA potentielle et une grande part de l’impôt sur le revenu échappant à l’État.
De l’autre, il contribue à la dépréciation continue du dinar, exacerbant les déséquilibres monétaires. Au 12 janvier 2025, le taux de change sur le marché parallèle atteignait 250 dinars à l’achat et 254 dinars à la vente pour un euro, soit un écart de 80 % par rapport au taux officiel de 141 dinars.
Numérisation et mise à jour : des stratégies considérées
Pour faire face à ces défis, le gouvernement mise sur la numérisation des paiements et la modernisation des outils économiques. La diffusion accrue des terminaux de paiement (TPE) et des applications numériques est perçue comme un levier clé pour réduire la dépendance à l’argent liquide et promouvoir l’inclusion financière.
Néanmoins, comme le rapporte une analyse récente, un déploiement généralisé de ces technologies reste encore à atteindre. Par ailleurs, des mesures fiscales et administratives ont été mises en place pour inciter les acteurs du secteur informel à rejoindre les circuits économiques officiels. Concernant la finance islamique, introduite en 2022, son impact demeure mitigé malgré une progression notable des dépôts bancaires, qui sont passés de 546,69 milliards de dinars en 2022 à 623,83 milliards de dinars à la mi-2023, représentant une hausse de 4,65 milliards de dollars.
L’influence des politiques monétaires et fiscales
Le rapport de la Banque d’Algérie souligne également les insuffisances des politiques monétaires actuelles. À titre d’exemple, les mesures restrictives, telles que le plafonnement des transferts légaux à 7500 euros par personne et par an, n’ont eu qu’un effet provisoire sur le marché parallèle. Cependant, dès le début de l’année 2025, le déséquilibre persistant entre l’offre et la demande de devises a rapidement entraîné une nouvelle hausse des taux.
En outre, l’allocation de devises, limitée à environ 100 euros par an, continue de susciter un mécontentement au sein de la population. De leur côté, les bureaux de change, autorisés depuis 1995 et relancés en 2023 pour mobiliser l’épargne informelle, peinent toujours à devenir pleinement fonctionnels, réduisant ainsi leur contribution potentielle à la bancarisation des capitaux.
Une approche durable pour lutter contre le marché parallèle
Pour remédier durablement à cette situation, l’État algérien adopte une approche globale qui allie réformes structurelles, modernisation des institutions et mesures incitatives sur le plan économique. Néanmoins, l’efficacité de ces initiatives dépendra de leur aptitude à rétablir la confiance des opérateurs économiques, à réduire les déséquilibres des taux de change et à accélérer la transition vers une économie numérique.
Face à des défis aussi complexes, la récupération des 8273 milliards de dinars issus du secteur informel ne pourra pas se faire rapidement. Cependant, si les réformes sont conduites avec succès, elles pourraient jeter les bases d’une croissance économique plus équilibrée et inclusive pour le pays.