Algerie Part Plus – C’est un constat amer et inquiétant qui compromet significativement les perspectives de développement économique en Algérie. Depuis le début de la crise politique en 2019 et l’instabilité chronique dont souffre l’Algérie, les investisseurs internationaux fuient l’Algérie et commencent à la considérer comme un pays « infréquentable ». Avec la crise sanitaire et l’aggravation de la crise financière qui étouffe le pays depuis 2020, la situation en Algérie ne cesse de susciter la méfiance et décourage les potentiels investisseurs internationaux.
Depuis 2019, aucun projet majeur n’a été inauguré en Algérie. Les investisseurs chinois, naguère friands de nouveaux projets en Algérie, ont suspendu toutes leurs démarches dans notre pays. Ni le méga-projet du phosphate à Tébessa et plusieurs autres wilayas de l’est algérien, ni encore moins le méga-projet du port d’El-Hamdania près de Cherchell, n’ont été relancés. Dans le secteur des hydrocarbures, les investisseurs internationaux se retirent les uns après les autres depuis 2019 comme le géant britannique BP et les plus gros du secteur sont toujours bloqués depuis fin 2018. Il s’agit notamment des trois projets les plus avancés dans le cadre du partenariat étranger : le premier avec Total à Arzew au titre d’un accord déjà signé, le deuxième avec une société turque à l’étranger et le troisième avec une société coréenne à Skikda.
Dans plusieurs autres secteurs, des investissements étrangers déclarés en 2018 ou 2017 ont été stoppés, arrêtés ou suspendus comme les chantiers dans le secteur du montage de véhicules neufs entièrement abandonnés par l’Etat algérien. Ni création d’emplois, ni diversification de l’économie, depuis 2019, l’Algérie est tout simplement en panne. Et les chiffres de plusieurs organismes internationaux le prouvent.
Prenons, à titre d’exemple, le rapport 2019 de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) sur les investissements directs étrangers (IDE) dans le monde. En Algérie, les flux d’IDE entrants ont baissé de 6% sur un an et s’établissent à 1 382 M USD en 2019. Proches des niveaux observés depuis 2012, ils restent nettement inférieurs aux chiffes relevés entre 2006 et 2011 (alors près de deux fois plus élevés, cf. graphique). L’Algérie a capté seulement 10% des flux en direction de l’Afrique du Nord, devancée par l’Egypte (9 010 M USD, 66% du total) et le Maroc (1 599 M USD, 12%), mais devant la Tunisie (845 M USD, 6%).
Le stock d’IDE entrants en Algérie (=somme des flux annuels, réajustée selon le taux de change) se porte à 31 956 M USD, soit 11% du total du stock à destination de l’Afrique du Nord. L’Egypte en capte 42%, le Maroc 22% et la Tunisie 10% (respectivement 126 639 M, 66 523 M et 29 542 M USD). Dans le sens inverse, les IDE algériens sortants (à destination du reste du monde) sont marginaux : les flux atteignent 83 M USD (1 033 M au Maroc, 405 M en Egypte et 22 M USD en Tunisie) et le stock 2 822 M USD (8 155 M en Egypte, 6 450 M au Maroc et 508 M USD en Tunisie).
Pour 2020, la CNUCED a anticipé à juste titre un repli des flux mondiaux d’IDE de l’ordre de 40% (proche du niveau de 2005) en raison de l’impact de la pandémie de Covid-19. Dans les pays producteurs de matières premières, ce phénomène pourrait être amplifié par la faiblesse des prix. L’Agence internationale de l’énergie anticipe ainsi une contraction des investissements des compagnies pétrolières de 32% en 2020.
Selon la CNUCED, un rebond des investissements directs étrangers en 2021 dépendra de la nature des politiques de relance mises en œuvre par les gouvernements, ainsi que de leur capacité à tirer profit des nouvelles industries et à ne pas faire preuve de « nationalisme économique ».
Malheureusement, l’Algérie ne s’est pas dotée des moyens nécessaires pour bénéficier de ce probable rebond des IDE en 2021. Un rapport de la banque sud-africaine RMB l’explique parfaitement les raisons du ratage algérien. Cette banque a publié récemment l’édition 2020 de son rapport « Where to invest in Africa » portant sur l’attractivité des investissements dans les pays africains.
L’Algérie se classe 16ème/54 pays africains, soit une place de moins qu’il y a un an. L’Egypte arrive en tête, suivie par le Maroc, l’Afrique du Sud, le Kenya et le Rwanda.
Le classement prend en compte trois paramètres :
i. Activité économique (13ème/54, +3 places). La taille du marché algérien (4ème en Afrique, après l’Egypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud) et le niveau d’endettement modéré sont cités comme points positifs. Toutefois, RMB anticipe une croissance économique de seulement 1,2%/an en moyenne entre 2019 et 2024 en raison d’une baisse de l’investissement et de la dépendance du pays aux prix des hydrocarbures.
ii. Climat des affaires (16ème/54, stable). Agrégation des résultats obtenus au classement Doing Business de la Banque mondiale (l’Algérie est classée 157ème/190), à l’indice de perception de la corruption de Transparency International (106ème/180), à l’indice de liberté économique de The Heritage Fundation (171ème/180) et au classement de compétitivité du Forum économique mondial (89ème/141)
iii. Risque socio-politique (20ème/54, -4 places). En 2017 selon RMB, l’Algérie était le 9ème pays ayant accueilli le plus de projets d’investissements directs étrangers en Afrique, avec un total de 24 projets (soit 3% du total).
Si l’Algérie n’améliore pas sa position au niveau de ces trois indicateurs, elle risque de rebuter pendant encore longtemps les investisseurs internationaux. Il est urgent de se doter d’une politique d’une amélioration globale du climat d’affaires pour atteindre cet objectif. Sinon, l’Algérie va éprouver toutes les peines du monde à trouver des financements pour relancer son économie moribonde.