AlgeriePart – La fuite massive des médecins algériens vers la France a provoqué un véritable tollé médiatique en Algérie ces derniers jours. La polémique ne cesse d’enfler en raison de l’impact socio-économique de l’exode ces cerveaux sur le développement du pays. Mais l’émigration des médecins n’est guère un phénomène isolé en Algérie. Et pour cause, un récente étude sur la jeunesse algérienne a dévoilé que plus de 30 % des jeunes algériens veulent quitter leur pays. Explications.
Cette étude avait été réalisée dans le cadre du projet européen SAHWA (« éveil » en arabe) qui était un projet collaboratif de recherche interdisciplinaire impliquant des approches socio-anthropologiques, économiques, politiques, sociologiques et culturelles, pour étudier les tendances et perspectives de la jeunesse dans un contexte de transitions sociales, économiques et politiques dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
L’ambition de SAHWA était de relier une expertise spécialisée dans les études sur la jeunesse et une analyse complète des transitions politiques et socio-économiques actuelles. Le projet a réuni 15 partenaires d’Europe et de la région méditerranéenne, dont un certain nombre de centres de recherche de premier plan, autour des axes thématiques suivants : éducation, emploi et inclusion sociale, mobilisation et participation politiques, culture et valeurs, migrations et mobilité internationales, genre, politiques publiques et coopération internationale.
SAHWA a jeté les bases d’une vaste entreprise de recherche coopérative dans la région et a ouvert la voie à une analyse systématique des tendances chez les jeunes dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
Initiée et financée par l’Union européenne dans le cadre du projet Sahwa et réalisée au niveau de cinq pays arabes qui présentent des caractéristiques économiques et sociales assez similaires : l’Algérie, l’Égypte, le Liban, le Maroc et la Tunisie, cette enquête de grande envergure a été effectuée sur un échantillon global de 10 000 jeunes, répartis équitablement entre les cinq pays (2000 par pays). Pour la partie algérienne, cette enquête avait été conduite en 2016/2017/2018 par les chercheurs du Centre de Recherche en Économie Appliquée pour le Développement (CREAD).
Cette vaste enquête originale sur la jeunesse algérienne nous apprend ainsi que plus des deux tiers des jeunes ne désirent pas s’expatrier. Les résultats de l’enquête
indiquent, en effet, que 69,6% de l’ensemble des jeunes ont déclarés être attachés au
pays, en dépit de toutes les difficultés liées à leur éducation, à leur formation, à leur
emploi et aux difficiles conditions de vie. Ils sont donc 69,6%, parmi les jeunes, à être
conscients qu’il ne suffit pas de franchir les frontières pour réussir et mener la vie dont
ils aspirent.
Cependant, en terme d’ampleur, un peu plus du quart des jeunes (25,7%) désire émigrer ou ré-émigrer (pour ceux qui ont déjà connu l’émigration). Si on compte les indécis, l’émigration est désirée par 30,4% des jeunes algériens. Cette dernière proportion est
importante, même si elle ne concerne que moins du tiers des jeunes algériens.
Les garçons sont relativement plus nombreux à vouloir émigrer. 31,9% des garçons
désirent émigrer contre 19,3% pour les filles. Même si elle est relativement moins
importante que chez les garçons, la proportion des filles qui désireraient émigrer est
assez élevée. La migration qui attirait essentiellement les garçons, jusqu’à un passé
récent, est un phénomène qui concerne également la population féminine, a constaté également la même étude.
Le désir de migration est par ailleurs plus important pour les jeunes non mariés
comparativement aux mariés, indique la même source. « Ils sont 27,6% parmi les jeunes non mariés à vouloir s’expatrier contre 18,6% pour les mariés. Cette constatation est logique, compte tenu de la nouvelle situation acquise par le jeune qui se marie, caractérisée par plus de stabilité et de responsabilité. Il importe cependant de souligner l’importance de la proportion des mariés qui veulent quitter le pays », explique l’étude du CREAD menée dans le cadre du projet Sahwa. C’est dire enfin que les médecins ne sont guère la seule catégorie de la population algérienne touchée de plein fouet par le désir ardent de partir vivre et travailler ailleurs.