Short et maillot vert fluo, queue-de-cheval blonde, coups de sifflet et bras levés… Samedi 14 mai, sur le terrain du stade d’Agadir, au Maroc, une femme était aux commandes d’un match de football. Evoluant sur le terrain entre les joueurs de l’AS FAR, le club marocain des Forces armées royales, et l’équipe du Moghreb Atletico de Tétouan (MAT), à l’occasion de la finale de la Coupe du Maroc de football, Bouchra Karboubi a marqué l’histoire du football en devenant la première femme du royaume – mais aussi la première du monde arabe –, à arbitrer une finale de compétition masculine.
Au Maroc, cette grande première a été accueillie comme une victoire, bien plus retentissante encore que celle des militaires qui ont remporté la prestigieuse Coupe du trône sur le score de trois buts à zéro. « Révolution », « fierté », « honneur pour le Maroc »… Erigée en symbole d’un pays qui avance vers plus d’égalité entre les hommes et les femmes, la Marocaine de 34 ans, qui est aussi agente de police, a marqué les esprits. « Un pas de géant dans le marathon des droits de la femme marocaine », salue ainsi un internaute sur les réseaux sociaux. « A petits pas, mais on avance ! », se félicite un autre. « Un jour viendra où nous n’aurons plus à dire bravo, car l’avancée d’aujourd’hui sera la norme demain », espère encore un internaute.
Accueillie chaleureusement sur le stade à quelques minutes du coup d’envoi du match samedi, Bouchra Karboubi a également été félicitée par bon nombre de supporteurs au lendemain de la rencontre pour avoir dirigé cette finale « d’une main de fer », comme le souligne un supporteur sur les réseaux sociaux : « Elle ne s’est jamais laissé intimider par les joueurs des deux équipes et leurs staffs respectifs. Mieux que ça, elle a rappelé à l’ordre les joueurs fautifs et sorti les cartons rouges et jaunes quand il le fallait sans exagération aucune et sans complaisance. »
Une icône, voire un modèle
Au Maroc, Bouchra Karboubi s’était déjà fait un nom après avoir été désignée arbitre nationale en 2007, puis internationale en 2016. Deux ans plus tard, la Marocaine effectuait son baptême du feu continental lors de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) féminine, organisée au Ghana. En 2020, elle a été la première femme à diriger un match de première division du championnat professionnel masculin au Maroc (le Botola Pro1). Plus récemment, son nom avait fait le tour de la Toile lorsqu’elle avait été désignée membre du staff arbitral lors de la finale de la CAN 2022 en février entre le Sénégal et l’Egypte au Cameroun. Samedi, elle était assistée d’une autre arbitre femme désignée par la Fédération royale marocaine de football (FRMF), Fatiha Jermoumi, pour diriger la finale de la Coupe du trône.
Dans la presse marocaine, elle apparaît comme une icône, celle d’une femme ayant su s’imposer dans une discipline monopolisée par les hommes. Plus globalement, elle fait figure de modèle dans un pays qui, s’il consacre l’égalité femmes-hommes dans sa Constitution depuis 2011, doit encore relever d’immenses défis en matière de participation des femmes dans les sphères économiques, politiques et sociales.
« Sacré challenge » et « long parcours du combattant », racontait cette pionnière dans une interview récente sur le site de « La Quotidienne », pour réussir le double défi de devenir à la fois inspectrice de police et arbitre de renommée mondiale. Dans le magazine « Tel Quel » , la jeune femme, native de Taza (nord-est du Maroc), racontait la difficulté, enfant, à vivre sa passion du ballon rond dans « une ville où c’était hchouma [la honte] qu’une fille se mette en short pour aller sur le terrain et côtoyer des hommes ». Comment, aussi, elle avait dû affronter les stéréotypes et l’opposition d’une partie de son entourage pour intégrer une école d’arbitrage en 2001 et devenir arbitre dans les tournois de jeunes. Depuis, elle n’a cessé de gravir les échelons. Son prochain objectif à présent : arbitrer la Coupe du monde féminine de 2023 en Australie et en Nouvelle-Zélande.