AlgeriePart – Alors que s’est ouvert il y a un peu plus d’une semaine au tribunal de Sidi M’Hamed à Alger le retentissant procès de l’ancien Ministre de l’énergie Chakib Khalil et de l’ancien PDG de Sonatrach Mohamed Médiane e qui portent sur des commissions et des pots de vin faramineux sur l’attribution du marché de la construction complex gazier géant à Arzew et qui concerne Petrofac, l’histoire semble se répeter. Les leçons n’ont apparemment pas été apprises et la corruption semble continuer à véroler les plus hauts échelons de Sonatrach.
Selon nos informations l’actuel PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar et son bras droit le Directeur central de la division de l’Engineering & Project Management (EPM) en charge de l’attribution et du suivi des méga-contrats de construction chez Sonatrach, Aoudjhane Fredj, essayent d’imposer systématiquement des sociétés étatiques chinoises peu effrayées à l’idée de corrompre les hauts serviteurs de l’Etat Algérien et de payer des commissions de dizaines de millions d’euros en cash aux dirigeants de Sonatrach.
Conformément à ce que nous révélions en exclusivité il y a un peu plus d’un an, les sociétés occidentales et japonaises ont été systématiquement victimes de tentatives d’extorsion de fonds de la part certains cadres de Sonatrach et leurs proches entourages. Les politiques anti-corruption rigoureuses dont se sont dotés ces grands groupes à la suite des scandales qui ont entaché Saipem, Technip, Petrofac ou autre SNC-Lavalin, les obligent à ne pas donner suite aux sollicitations dont ils font l’objet et à perdre des marchés publics qui sont totalement pipés. Las de ces magouilles à répétitions, les sociétés américaines Fluor, Baker Hughes, Bechtel, FMC-Technip, McDermott ou encore KBR ont décidé de quitter l’Algérie au grand détriment de Sonatrach.
Pour revenir à Tecnimont, après avoir remporté régulièrement l’appel d’offres de Sonatrach pour la construction et la réalisation du nouveau train de LPG à Rhourde el Baguel pour un peu moins de 400 millions de dollars USD en 2020, ils n’ont jamais reçu l’attribution officielle. Le gagnant italien de cette appel d’offres n’acceptant pas les demandes insistantes et « hors contrat » du PDG de Sonatrach et de son directeur d’EPM s’est vu notifier que le projet de Rhourde El Baguel ne lui serait pas attribué et qu’il était interdit de participer au nouvel appel d’offres qui vient de sortir ! Cela afin d’éviter que Tecnimont contredise les plans d’Hakkar et empêche une société de construction chinoise de remporter le projet, a-t-on pu constater au cours de nos investigations.
Le nouvel appel d’offres publié dans le BAOSEM, le Bulletin des Appels d’Offres du Secteur de l’Energie et des Mines en Algérie, prévoit opportunément et arbitrairement qu’il faudra dorénavant avoir moins de 2 projets en cours avec Sonatrach pour avoir le droit de soumissionner [DOCUMENT CI-DESSOUS]. Bien malin subterfuge pour éliminer Tecnimont de la course qui s’est vu attribuer en 2018 le projet du nouveau train de LPG à ZCINA pour 240 millions de dollars et de la phase IV de Bir Seeba en 2020 pour 400 millions de dollars. Hors jeu Tecnimont, et au passage beaucoup de sociétés d’EPC présentes en Algérie telle que JGC, Bonatti, Petrojet ou Tecnicas Reunidas et qui auraient pu être de sérieux concurrents. La place est donc libre pour des sociétés chinoises peu sérieuses techniquement telles que HQC, Sinopec Engineering et CPECC et qui pourront remettre des offres aux alentours de 500 millions et versés près de 100 millions de dollars en commissions et retro-commissions ! Un scandale, un vol caractérisé du peuple algérien avec un simulacre d’appel d’offres.
Cette magouille se répète sur le nouvel appel d’offres du développement pétrolier des champs de Tirhert II [Document ci-dessous] qui avait été annulé sans motif en 2021 et vient d’être relancé et fera aussi la place belle aux opérateurs chinois…
Cette parodie ne fait aucun doute car Petrofac qui est déjà sous enquête en Algérie, déjà condamnée au Royaume-Uni pour corruption et black-listée pour avoir versé des pots-de-vin en Arabie Saoudite, aux Émirats Arabes Unis et en Irak, a fait un intense lobbying pour participer aux 2 nouveaux projets importants et a obtenu une clarification à l’avis initial publié dans le BAOSEM. Cette clarification émise il y a une semaine énonce qu’une société ayant terminé avant la date de soumission technique fixée au 31 mai 2022 la construction d’un projet en cours pourra participer à un autre marché de Sonatrach. Toufik Hakkar et ses collaborateurs font passer ainsi à la trappe la version originale qui prévoit qu’une société doit avoir terminé le projet, c’est-à-dire dire la phase d’essais, de mise en route et la réception définitive du projet. Cette nuance permet à Petrofac d’espérer participer à plusieurs marchés onéreux du secteur des hydrocarbures en Algérie puisqu’ils auront d’ici Mai 2022 terminé la phase de construction du projet de Tinhert I que Petrofac s’était vu attribuer en 2018. Et lorsqu’on sait que le projet Tinhert II étant l’extension de Tinhert I, on peut aisément comprendre l’intérêt de Petrofac.
Petrofac ne pouvant risquer de se faire prendre une nouvelle fois la main dans le sac (à billets) a décidé de s’allier à une société de construction chinoise qui aura seule pour charge de graisser la patte (ou plutôt les pattes) de qui de droit… Ainsi, Petrofac, à l’incompréhension de ses partenaires historiques dans la construction tel que Bonnatti, Petrojet ou encore Butec, a décidé de former un consortium avec le chinois HQC qui n’a jamais réalisé le moindre projet en Algérie, comme nous l’avions expliqué récemment dans une précédente enquête. Ce consortium est aussi selon nos informations préqualifié pour soumissionner sur le projet du complex pétrochimique STEP à Arzew que Sonatrach développe en partenariat avec la major française TotalEnergies.
Cet « attelage » serait aussi à la manoeuvre sur le projet de MTBE à Arzew où HQC serait en concurrence avec sa société soeur CPECC, toutes les deux filiales à 100% de la société pétrolière chinoise CNPC. Au passage, il convient de noter que ce montage s’inscrit en violation totale des dispositions du code des marchés publics algériens d’après lequel deux sociétés du même groupe pétrolier ne pouvant aucunement soumissionner pour le même projet ! Qu’à cela ne tienne l’autre concurrent est le consortium étatique chinois Sinopec-CNTIC lui aussi détenu à 100% par l’état chinois ! A défaut d’être sur le podium des jeux Olympiques d’hiver de Pékin, les sociétés chinoises pourraient bien remporter le grand Chelem des contrats sous l’ère Hakkar en Algérie.