En Algérie, on se bouscule devant les magasins d’alimentation pour l’achat de certains produits de première nécessité et de longues files d’attente refont leur réapparition. Mais ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur en ce mois sacré du ramadan dure déjà depuis plusieurs mois en Algérie.
Trois produits de base sont particulièrement concernés, l’huile de table, le lait en sachet (en poudre et réusiné) et la semoule. Mais pas seulement. Face à la vertigineuse hausse des prix des fruits et légumes et des denrées alimentaires en général en constante augmentation en Algérie, les consommateurs algériens ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Mais cette fois-ci, la cherté des fruits, des légumes et de la viande bat tous les records… Dans le détail, ils ont pratiquement doublé. En Algérie, autorités et voix de leurs maîtres impliquent volontiers cette situation à l’impact de Dame Covid et à la crise russo-ukrainienne, histoire de baisser la tension sociale. Mais, on ne la conte pas si aisément aux citoyens algériens. Chaque année, autorités, associations de consommateurs ou médias pointent de la même voix le « comportement irrationnel » des Algériens à l’occasion du mois sacré de Ramadan qu’ils décrivent comme un mélange de panique face à d’éventuelles pénuries et de poussées d’appétence. Il n’y a pas de fumée sans feu. Sinon pourquoi les autorités n’arrivent-elles pas à endiguer une manifestation qui se répète à chaque Ramadan ?
Certes, les prix mondiaux des produits alimentaires ont bondi en mars et ont atteint leurs plus hauts niveaux jamais enregistrés dans les marchés des céréales de base et des huiles végétales à cause de la situation dans la région de la mer Noire (données fin mars l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), mais pour l’Algérie plus particulièrement cela prend d’autres proportions. « Cette situation rappelle celle vécue par le pays dans les années 1980, lorsque pratiquement tous les produits de base étaient vendus sous le manteau ou sous haute surveillance ». Dis ainsi et de surcroit par un patenté caresseur dans le sens du poil, « Tout sur l’Algérie » (TSA) en l’occurrence, cela veut tout dire de l’ampleur de la crise et de la pénurie alimentaire qui sévit en Algérie. La situation est d’autant plus aggravée que pour mettre dans le couffin de la ménagère algérienne un kilogramme de lait en poudre (importé de France, de l’UE et des EAU) il faut débourser 420 dinars (2,90 $) dans le privé au lieu de 25 dinars pour le lait en poudre subventionné par l’Etat, tout comme l’huile (20 % de hausse pour les huiles végétales et les dérivés laitiers).
Le secteur névralgique de la boulangerie n’est pas en reste. Pénuries et hausse des prix touchant la levure, la semoule et l’huile de table menacent plusieurs boulangeries de fermeture, malgré les exonérations de certaines taxes de profession afin de neutraliser la hausse exponentielle du prix de la baguette. Ces trois dernières années, ce sont au moins trois mille boulangers qui ont été astreints à mettre la clé sous le paillasson quand ils en avaient. L’accumulation de facteurs endogènes (restriction des importations, maintien de deux collèges de produits subventionnés et libres), dans une Algérie sans perspective politique, la spéculation et la corruption en nette augmentation en raison des difficultés économiques du pays, font que le régime d’Alger ne navigue plus à vue, mais dans l’épais brouillard du présent.
Foi de commission parlementaire algérienne, il y a aussi un problème de contrebande de produits subventionnés à travers la frontière sud de l’Algérie pour être vendus dans les pays voisins, et décrits comme très « répandu » sous l’œil complaisant des militaires. D’ailleurs, ces pacotilles leur profitent, surtout aux gradés. Jusqu’à 12 camions passent chaque jour en contrebande d’Algérie au Mali et au Niger de l’huile de cuisson de fabrication algérienne, financée par l’Etat, en devises fortes – réalisant un bénéfice pouvant aller jusqu’à 17 800 dollars par chargement de camion. Cependant, les causes profondes de la crise algérienne remontent à plus loin, la dépendance de l’économie à l’égard de la vente de gaz et de pétrole brut comme moteur de croissance et source de revenus et la mauvaise gestion du secteur par le gouvernement a créé de nombreux problèmes comme de nombreuses transactions sur le marché parallèle qui profite à l’oligarchie algérienne. Aussi tout cela conjugué aux problèmes économiques, à un taux de chômage de près de 15 % (la plupart des chômeurs sont des diplômés universitaires) et à une population aux trois quarts à moins de 37 ans, cela pourrait atteindre un point où les liens déjà faibles entre gouvernants et gouvernés pourraient rompre et même exploser.