Toute l’actualité sur Le Monde.fr – Trois euros par jour. C’est un peu plus que le prix d’un café. Ou de deux tickets de métro. C’est la petite monnaie que l’on a au fond de sa poche. Depuis le jeudi 18 novembre, avec l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi de « reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis et par leurs familles », c’est devenu le prix du mépris et de l’indignité.
Deux mois après la demande de « pardon » présidentiel, qui a insufflé un immense espoir à une communauté multitraumatisée, un seul mot me vient : sidération. Lors du vote en première lecture de cette loi au Parlement, la ministre des anciens combattants, Geneviève Darrieussecq, et la rapporteuse de la loi, Patricia Mirallès, ont, de façon mécanique, rejeté la centaine d’amendements déposés par des députés de tous bords. Des amendements légitimes que les harkis et leurs enfants espéraient voir adoptés afin d’améliorer le projet de loi. En vain. La ministre et la rapporteuse sont restées sourdes aux demandes de celles et ceux pour lesquels elles prétendent agir.
Je suis sidérée que le gouvernement s’enorgueillisse d’une loi qui, en réalité, discrimine les harkis. Le texte exclut de la réparation tous ceux qui sont arrivés en France par leurs propres moyens et qui ne sont pas passés par les camps. Il décide de qui a souffert et de qui n’a pas souffert. Qui aura droit à réparation et qui sera privé de ce droit. Il ne retient qu’un seul préjudice, la privation de liberté. Tout en éludant, par un terme vague, les autres « préjudices de toute nature ». Enfin, il impose une somme forfaitaire dérisoire en guise de réparation : 10 000 euros par année de présence dans les camps et hameaux. Soit trois euros par jour pour solder soixante ans de souffrance. Par sa comptabilité indécente, cette loi m’indigne car elle nous remet en position de victimes. C’est inacceptable.