Dans un entretien au Nouvel Obs, l’historien Benjamin Stora critique l’attitude de Bruno Retailleau envers l’Algérie, qu’il juge guidée par des visées électoralistes, au détriment du dialogue mémoriel.
Une logique de tension selon Benjamin Stora : le rapport à l’Algérie détourné à des fins politiques
Alors que les relations entre la France et l’Algérie connaissent une nouvelle phase de crispation, Benjamin Stora, historien reconnu pour ses travaux sur la guerre d’Algérie, tire la sonnette d’alarme. Dans un entretien accordé au Nouvel Observateur, il accuse Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, d’entretenir une stratégie de confrontation guidée par des calculs électoralistes. Selon lui, cette posture, qui va à l’encontre de l’esprit de décolonisation défendu par le général de Gaulle, alimente un discours hostile à l’Algérie et reflète une “droitisation effective” du paysage politique français.
Stora souligne que l’approche de Retailleau ravive un passé colonial encore sensible. En parlant de l’Algérie avec le ton qu’il adopte, le ministre évoque implicitement une époque où le territoire algérien relevait directement du ministère de l’Intérieur français. Cette rhétorique, affirme l’historien, contraste avec les avancées diplomatiques et mémorielles amorcées sous Emmanuel Macron, aujourd’hui reléguées au second plan.

Le malaise de la communauté franco-algérienne face au climat actuel
Benjamin Stora s’inquiète également pour les millions de citoyens français ayant un lien personnel ou familial avec l’Algérie. Il estime que le climat actuel pourrait fragiliser les avancées réalisées en matière de mémoire entre les deux pays. La communauté franco-algérienne, dit-il, ressent profondément ces tensions qui nourrissent une peur croissante de marginalisation ou de stigmatisation.
Pour l’historien, le lien entre les deux sociétés est désormais trop fort pour être effacé par des stratégies politiques à court terme. Il appelle à une vision plus ambitieuse, capable de dépasser les réflexes identitaires et les rivalités électorales, au profit d’un vrai dialogue historique et culturel entre la France et l’Algérie.