Une contribution de Youcef Benzatat – Le Comité international olympique (CIO) vient de condamner à dix ans de suspension des compétitions internationales le judoka algérien Fethi Nourine et son coach Amar Benyekhlef pour le motif d’avoir violé la Charte de l’olympisme, après avoir refusé d’affronter un judoka israélien lors des Jeux olympiques de Tokyo 2021. Alors que le judoka algérien avait motivé son refus de combattre le judoka israélien en invoquant le même motif pour lequel il a été condamné, à savoir que le pays que représente son adversaire, Israël, ne respecte pas la Charte de l’olympisme et, de ce fait, il serait en toute logique inéligible à toute participation aux Jeux olympiques et ne devait en aucun cas y être admis. La posture de Fethi Nourine se traduit donc autrement par le refus de combattre contre un judoka représentant un Etat qui viole la Charte de l’olympisme, préserverait légitimement l’esprit de la Charte de l’olympisme de toute dérive qui menacerait ses fondements.
Cette décision du CIO, qui s’apparente à une «réponse du berger à la bergère», dissimule mal les dessous qui l’ont motivée.
En effet, depuis l’antiquité, depuis le Péloponnèse, il y a 2800 ans déjà, les Grecs avaient commencé à organiser des jeux olympiques pour faire cesser les guerres entre les cités pendant leur déroulement et dont le but était de parvenir à contribuer à la paix entre elles et leur permettre de tisser des relations fondées sur la coopération, la solidarité et la prospérité commerciale et culturelle. Ceux-ci ont duré près de douze siècles environ, soit du VIIIe siècle avant l’ère chrétienne jusqu’à la fin du IVe siècle après J.-C. L’olympisme connut un deuxième souffle en 1894 lorsque le Français Pierre de Coubertin lança l’idée audacieuse de rénovation des Jeux olympiques en plein tumulte du colonialisme avec ses crimes de masse, de génocides et de pillage des richesses des nations sans défense, et en 1896 a lieu la célébration des premiers Jeux de l’ère moderne, à Athènes, pour marquer la continuité de l’esprit de leur Charte et dont le but est resté inchangé, à savoir leur contribution à la paix mondiale, le développement humain et la préservation de l’intégrité de la civilisation et de l’humanité entière et en premier lieu le bannissement du racisme dans toutes ses manifestations.
Il faut être vraiment de mauvaise foi et foncièrement malhonnête pour ne pas reconnaître que le racisme est inhérent à l’idéologie sioniste d’Israël, voire de se rendre complice de dénier à Israël la pratique d’un régime d’apartheid contre le peuple palestinien et la violation systématique de ses droits humains par l’assassinat et l’emprisonnement arbitraire, l’humiliation quotidienne aux points de passage lors des déplacements à l’intérieur de ses terres, tout en le dépouillant de sa terre par la force et contre le droit international. Comme l’a été la décision inique de l’ONU sous la pression du lobby impérialo-sioniste, israélo-américain, lorsqu’en 1991 son Assemblée générale a révoqué la résolution 3379, qui stipulait que «le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale». Pire, plus tard, ce même lobby assimilera toute critique du sionisme à de l’antisémitisme !
La résistance de Fethi Nourine et son coach à cette dérive de l’olympisme, pleine de dignité, d’humanité et d’esprit de responsabilité, n’est pas un cas isolé. Notre période contemporaine a connu plusieurs épisodes similaires. Déjà lui-même avait renoncé de participer aux mondiaux de judo de 2019, ici même à Tokyo, en invoquant les mêmes motifs. Par le passé, la violation de la Charte de l’olympisme fut systématiquement brandie pour justifier le boycott des jeux contre les Etats dont les dirigeants du CIO se rendaient coupables de complaisance avec leur forait, en leur permettant d’y participer dans l’impunité totale. Ce fut le cas des Jeux olympiques de 1976 lorsque les pays africains avaient boycotté les JO de Montréal pour protester contre la présence de l’Afrique du Sud, pays raciste et dont la pratique politique se fondait sur l’apartheid, au sein du CIO.
Bien avant, en 1973 déjà, l’équipe de football de l’URSS refusa de rencontrer son homologue chilienne pour protester contre l’assassinat par une puissance étrangère, en l’occurrence les Etats-Unis, du président légitime de ce pays, Salvator d’Allende, et désigner un gouvernement qui leur est acquis pour orienter sa politique en faveur des intérêts de cette puissance au détriment des intérêts du peuple chilien. Cet évènement sera le début d’une nouvelle ère pour l’olympisme, où sa Charte deviendra un enjeu géostratégique pour continuer la guerre froide entre les blocs de l’Est et de l’Ouest qui durait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En effet, en réponse au boycott du match de football par l’URSS contre son homologue du Chili, pour le motif de l’intervention américaine dans les affaires de ce pays, les Etats-Unis boycottèrent à leur tour les JO de Moscou en 1980, en invoquant l’ingérence dans les affaires internes d’un pays souverain, l’Afghanistan. En 1984, le bloc de l’Est surenchérit à son tour en boycottant par représailles les Jeux olympiques de Los Angeles. Tout récemment encore, en 2004, les pays occidentaux et leurs alliés joignirent leurs voix à celle des Etats-Unis pour appeler au boycott des JO prévus en Chine, pour le même motif de violation de la Charte de l’olympisme, à savoir la violation des droits de l’Homme et la privation des libertés politiques dans ce vaste pays.
De toute évidence, cette solidarité dans le boycott des JO entre Etats n’est pas l’apanage de groupes soucieux de la préservation de la Charte de l’olympisme, mais bien de lobbys réunis autour d’idéologies et d’enjeux géostratégiques qui n’ont rien à voir avec l’olympisme, mais plutôt animés par des motifs sournois qui s’inscrivent dans des stratégies guerrières non avouées. Pour preuve, aucun Etat n’a été sanctionné par le lobby auquel il appartient pour avoir violé la Charte de l’olympisme.
Fethi Nourine et son coach se sont fait suspendre par un jury indigne de représenter l’esprit olympique, car ayant pris leur décision au profit des intérêts du lobby auquel appartiennent ses membres, partialement et non pas objectivement, pour avoir au préalable accepté la participation à ces Jeux d’un Etat qui ne respecte pas ce même esprit de la Charte olympique.
De ce fait, cette condamnation n’a aucun effet sur l’intégrité de ces deux sportifs algériens et ne peut diminuer en aucun cas leur posture éthique envers l’esprit de l’olympisme. Ils deviennent de ce fait, plutôt, les véritables garants de l’esprit de l’olympisme et mettent à nu la dérive de cette pratique millénaire de la recherche de la paix et l’amitié entre les peuples. Ce sont plutôt les membres de ce jury, ayant infligé à ces deux athlètes algériens une telle condamnation fondée sur le déni de la violation des droits humains des Palestiniens, qui se sont comporté en véritables complices d’un Etat raciste ayant égaré le droit chemin qui mène vers la paix et l’amitié entre les peuples, tracé depuis l’antiquité par les sages de la Grèce antique, en l’ayant incarné dans cet esprit de l’olympisme pour perpétuer la civilisation et l’humanité sur la base du respect mutuel entre les peuples et faire régner la justice et la paix perpétuelle.
Cette posture de Fethi Nourine, son coach et celle de tout son staff qui était associé à sa participation aux JO de Tokyo, aussi singulière soit-elle, n’est pas le propre de ces sportifs ; c’est toute l’identité du peuple algérien héritée et forgée dans la douleur et le sang versé pour la quête de sa liberté et sa souveraineté pendant sa résistance à la longue nuit coloniale qui s’y est exprimée, en solidarité avec un peuple subissant le même tort. Comme le geste spontané du footballeur algérien Ryad Mahrez, lors de la remise du trophée du champion d’Angleterre de l’année écoulée devant les caméras du monde entier, en ayant brandi fièrement le drapeau palestinien avec toutes les conséquences et les représailles qui pouvaient s’abattre sur lui.
Si aujourd’hui le lobby impérialo-sioniste, israélo-américain a réussi à acheter la complicité des monarchies arabes et de nombreux pays africains en contrepartie du soutien politique de leurs représentants despotiques, qui ont lâchement abandonné le peuple palestinien aux exactions fascisantes du régime israélien, il sera vain dans la durée de vouloir cacher le soleil palestinien avec un tamis. «Ne restera au fond des rivières, après la crue, que ses pierres», dit le dicton des ancêtres de Fethi.
Algérie Patriotique – Y. B.