L’Algérie double ses capacités de stockage de blé en un temps record. Derrière cette avancée : des investissements colossaux, des fraudes dénoncées et un appel d’urgence à la mobilisation. Les détails
Une course folle contre les pertes : l’Algérie muscle son arsenal de stockage
Dans le sud algérien, la moisson de blé s’annonce historique… et explosive. Face à l’extension des surfaces agricoles, l’État met les bouchées doubles : des dizaines de silos flambant neufs, une flotte logistique renforcée et un objectif clair – ne plus perdre un seul grain. Mais derrière cette mobilisation nationale, des pratiques choquantes menacent l’ambitieux programme.
260 nouveaux centres en quelques mois : une offensive logistique inédite
Le chiffre donne le vertige : 17 millions de quintaux de capacité de stockage seront bientôt disponibles dans le sud algérien. En première ligne, 260 centres de proximité réceptionnés avant juin. Un rythme effréné : 65 dès avril, 99 en mai, selon le ministre Youcef Cherfa.
« C’est une révolution dans le monde agricole », affirme un directeur de CCLS présent lors de l’annonce.
La flotte de transport n’est pas en reste : 1 500 camions mobilisés, dont 120 récemment ajoutés. Objectif : éviter les ruptures de collecte qui, jusqu’ici, obligeaient parfois à stocker les grains à même le sol.
Surfaces en hausse, risques aussi : 150 000 hectares dans le viseur
Dans le sud, les surfaces cultivées explosent : +40 000 hectares de blé en un an. Une progression qui se heurte aux aléas climatiques (tempêtes, criquets) et aux défis logistiques majeurs.
Pour limiter les pertes, l’OAIC prévoit une meilleure coordination et des transferts ciblés de semences entre régions.
Mais le plus surprenant : la production de semences prend racine au sud, notamment à Khenchela où 8 000 hectares sont exploités par Cosider. En 2021, 20 000 quintaux de semences ont déjà été livrés, une première dans la stratégie nationale.
Des fraudes qui sapent les efforts : blé détourné, mouture trafiquée
Alors que l’État injecte des milliards de dinars dans le renforcement du stockage, certaines pratiques choquent l’opinion publique :
Du blé destiné à la consommation humaine est redirigé vers l’alimentation animale, notamment pour l’engraissement des moutons.
Des minoteries ajoutent illégalement de la farine au son, trompant les contrôles sur les taux de mouture.
Un scandale qui questionne la traçabilité et le contrôle des filières agricoles.
« Ces dérives ruinent la crédibilité du système », déplore un chercheur de l’université de Blida.
Algérie : Des investissements colossaux… pour finir dans les poubelles ?
À Djelfa, un seul silo coûte plus de 7 milliards de dinars. Pourtant, dans les rues, le gaspillage du pain reste une scène quotidienne. Pain sec, jeté, oublié…
Une question brûlante se pose : l’effort collectif est-il saboté par l’indifférence individuelle ?
Face à cette contradiction, les autorités appellent à une prise de conscience collective. L’État ne peut pas tout faire si les comportements ne suivent pas.