Accusation de racisme, de sexisme ou d’immoralité : les feuilletons du ramadan 2022 auront charrié leur lot de polémiques en Algérie.
Comme chaque année, des millions de téléspectateurs se sont pressés devant les programmes proposés lors des soirées de rupture du jeûne. Le visionnage de comédies satiriques, feuilletons dramatiques, émissions gastronomiques ou culturelles est une tradition du mois saint. Mais cette année, l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) a dû réagir plusieurs fois pour tenter de désamorcer les controverses.
Le 12 avril, c’est la production algéro-tunisienne Hob El Moulouk (« les cerises ») qui a été suspendue pour une durée d’une semaine. Le feuilleton, proposé par la chaîne arabophone privée Ennahar TV, avait soulevé l’indignation après la diffusion d’une scène montrant une employée de bureau qui tente de séduire son responsable en prenant des poses jugées trop suggestives. Dans un communiqué publié la veille, l’ARAV avait indiqué avoir averti les chaînes de télévision de « l’impératif d’observer les valeurs morales et les bonnes mœurs et de contrôler au préalable leurs différents programmes » durant le mois de ramadan.
Si certains ont défendu un nécessaire travail de régulation, d’autres dénoncent un tel rappel à l’ordre. « Oui, il y a une forme de censure qui ne dit pas son nom mais qui est bien là », estime un producteur et réalisateur qui souhaite conserver l’anonymat. Il rappelle que des productions ont été coupées par le passé, comme en 2021 la sitcom Achour El Acher, qui parodie la vie politique algérienne. Lors de sa diffusion, des comédiens avaient dénoncé la disparition de certaines scènes.
Dernièrement, ce sont les directrices de deux autres chaînes arabophones privées, Samira TV et Echourouk, qui ont dû s’expliquer devant l’autorité de régulation. Dans le cas de Samira TV, chaîne spécialisée dans le contenu culinaire, l’émission « Tourath Bladi » (« le patrimoine de mon pays ») a été dénoncée à plusieurs reprises par des internautes qui l’accusent de véhiculer des messages dégradants pour la femme.
Apologie de l’esclavage ?
En cause : les propos de plusieurs invitées sur le plateau, s’étonnant que certaines femmes achètent du pain à l’extérieur ou prennent des produits surgelés pour le ramadan. « Des femmes au foyer envoient leur mari faire la chaîne pour acheter du pain, c’est étrange. Je ne comprends pas comment on peut laisser une personne qui jeûne, que ce soit son fils ou sa fille, attendre une demi-heure pour acheter du pain. Elles ne peuvent pas apprendre [à en faire] ? », a ainsi déclaré l’actrice Bahia Rachedi, qui s’est défendue plus tard de tout sexisme : « Où est le mal dans les propos que j’ai tenus ? J’ai seulement dit que le pain fait maison est meilleur ! »