»Algerie »Le Dr Lyes Merabet, Président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), Dans cet entretien le Dr revient sur la flambée du covid-19 en Algérie, et indique les actions à menées pour lutter contre cette pandémie.
Quelle est la situation épidémique due au covid-19 en Algérie ?
La situation est instable. Elle s’est compliquée depuis quelques semaines. Nous enregistrons une diffusion rapide et large de la contamination au sein de la population. Plusieurs wilayas sont touchées.
La plupart des hôpitaux qui se sont organisés pour prendre en charge le flux de malades, sont dépassés. Nous avons des difficultés à prendre en charge les malades en milieu hospitalier, et nous sommes submergés par le nombre de cas positifs.
La crise de l’oxygène touche tous les hôpitaux du pays. Le gouvernement accuse les réseaux sociaux d’amplifier l’ampleur de la crise. On parle de morts faute d’oxygène. Qu’en est-il réellement ?
Le problème est posé réellement sur le terrain. En tant que médecins, nous avons connu des situations dans les hôpitaux, y compris dans les grandes villes, où nous nous sommes retrouvés face à des malades désemparés, car l’essentiel de leur traitement, qui est l’oxygénothérapie, n’a pas pu être dispensé, faute de produit.
Lorsqu’il n’y a plus de produit, il n’y a pas de solutions à proposer aux malades. La tension sur la consommation de l’oxygène a été vécue dans d’autres pays.
Je pense que l’on aurait pu anticiper, et mieux s’organiser par rapport à l’offre de soin. Il y a un problème d’anticipation, de prévisions, d’organisation et de gestion, mais il y a aussi une problématique en amont, qui est un relâchement au niveau du respect des protocoles, et des gestes barrières.
Vous avez appelé à un confinement total pour faire face à la pandémie. Vous n’avez pas été entendu. Que faut-il faire ?
Ce qui a été mis en place est un couvre-feu, pour limiter les déplacements. J’avais personnellement, ainsi que d’autres, proposé un confinement total de deux à trois semaines, même si cela est difficile à gérer, et qu’il peut y avoir des répercussions sur le plan social, économique, et créer des tensions.
Je réitère mon appel aux citoyens, à se confiner, et à éviter les contacts, le plus possible, pour contribuer à casser la chaîne de contamination.
La campagne de vaccination anti-covid en Algérie s’est accélérée ces derniers jours, mais elle est mal organisée. Que proposez-vous pour l’améliorer ?
Il faudrait de la coordination, et que l’autorité habilitée à donner les directives soit clairement identifiée… Que la société civile s’organise autour de l’acte vaccinal, pour sensibiliser et pour aider à organiser les choses. Mais certaines associations dépassent leurs prérogatives.
Au nom des citoyens, qu’elles disent représenter, elles veulent imposer des démarches par rapport à l’organisation de la campagne de vaccination, ce qui n’est pas normal.
J’ajoute que pour cette campagne vaccinale, dont l’objectif est de vacciner 70 % de la population, la participation du secteur privé est plus que souhaitable.
Malheureusement, ce n’est pas le cas pour le moment, étant donné que la vaccination actuellement repose essentiellement sur le secteur public.
La vaccination n’est pas une spécialité du médecin généraliste. Tous les professionnels de la santé peuvent réaliser cet acte. Secteur privé et public, tout le monde doit être mobilisé pour réaliser cet objectif de vacciner 70 % de la population.
Vous avez rencontré hier le ministre de la Santé. Sur quoi ont porté vos échanges ?
Cela a été une discussion franche et directe. Nous avons échangé entre médecins. Nous avons discuté du problème de la prise en charge des malades et de l’état dans lequel les professionnels de la santé se trouvent.
Cela a été une occasion, pour moi, d’exposer la situation que vivent les professionnels de la santé. Nous avons évoqué avec lui l’importance de la mobilisation de tous les professionnels de la santé, secteur public et privé, secteur parapublic, et aussi pourquoi pas mobiliser la santé militaire.
Nous avons également discuté des moyens de protection, et des mesures incitatives qui ont été annoncées pour encourager les professionnels de la santé, et qui n’ont pas encore été mises en place, telle que la prime covid trimestrielle, qui enregistre un retard de deux trimestres (le cinquième et le sixième trimestre n’ont pas encore étés honorés), et de la problématique de l’indemnité du capital décès au profit des familles qui ont perdu un professionnel de la santé, dans le cadre de cette pandémie du covid. Aucune famille n’a bénéficié à ce jour de cette prime, estimée à un million de dinars.