Il rêvait de marquer l’Histoire et de devenir un nouveau « père du peuple » à l’image de son mentor, l’ancien président Houari Boumedienne (1965-1978), qu’il a dépassé en longévité au pouvoir, et dont il fut un fringant chef de la diplomatie.
A son arrivée au pouvoir en 1999, à la fin de la décennie noire (1992-2002, 200.000 morts), Abdelaziz Bouteflika inspirait « quelque chose de rassurant des années +glorieuses+ de (Houari) Boumedienne, de l’Algérie leader du Tiers monde, contrastant avec l’Algérie de cendres et de ruines des années 90 », analyse l’écrivain et journaliste algérien Adlène Meddi dans la revue Middleeasteye.net.
– « Eclipse totale » –
Populaire à son retour aux plus hautes responsabilités mais mu par une soif de revanche envers l’armée, il avait clamé en juin 1999 lors du Forum de Crans Montana (Suisse): « je suis l’Algérie toute entière, je suis l’incarnation du peuple algérien ».
En réalité, « sa popularité était assurée par un (prix du) baril (de pétrole) élevé et une loi sur la concorde civile (mettant fin à la guerre civile avec les islamistes, ndlr) négociée par l’armée », analyse pour l’AFP Hasni Abidi, directeur du centre d’études Cernam à Genève.
Ensuite, « Bouteflika a raté son rendez-vous avec l’Histoire, c’est le président des occasions manquées »: pendant ses 20 ans de mandat, « c’est devenu un homme de pouvoir et d’intrigues, et pas un homme d’Etat », ajoute M. Abidi.
Selon cet expert du monde arabe, « méprisant la société civile et les médias », Bouteflika a « creusé un fossé avec son peuple » et « donné des ailes aux hommes d’affaires sans scrupules ». Profitant de la manne pétrolière et gazière, il faisait « des choix sans consulter » en « neutralisant les contrepouvoirs dans l’institution militaire et en humiliant tous ceux qui s’opposaient à lui », ajoute l’expert.
Cette attitude a abouti, selon lui, à un report de « tous les chantiers de réformes politiques, institutionnelles et économiques » et « une éclipse totale » de la diplomatie algérienne, une situation aggravée par un accident vasculaire cérébral (AVC) subi en 2013 qui l’a laissé affaibli et dépassé par la guerre des clans autour de lui.